Comment gérer les critiques des autres ? Feedbacks et signes de reconnaissance
Voici l’une des questions que je rencontre régulièrement chez mes patients : « comment est-ce que je peux faire lorsqu’on me juge ou que l’on me critique pour ne pas me sentir touché ? » autrement dit : « comment gérer les critiques des autres et sans être trop influencé par celles-ci ? ».L’une des choses que je commence généralement par rappeler est que ces critiques, qu’elles soient positives ou non, ne sont que le reflet du monde intérieur de l’autre. Rien de plus, rien de moins. Elles disent parfois quelque chose de vous, mais elles disent surtout quelque chose de celui qui les formule et de la façon dont il perçoit le monde. Ces critiques, on les appelle en psychologie des feedbacks ou des signes de reconnaissance.
Dans cet article nous allons voir ce que sont les feedbacks et signes de reconnaissances, lesquels accepter, lesquels refuser, mais aussi lesquels vous pouvez donner et lesquels éviter à tout prix de transmettre aux autres ou à vous-même.
Prêts ? Alors, allons-y !
Qu’est-ce qu’un feedback ou un signe de reconnaissance ?
Pour simplifier les choses, je me contenterai dans cet article de parler de feedback pour désigner tout ce qui provient de l’autre et qui nous est adressé, mais prenons quand même quelques secondes pour différencier les deux concepts.
Selon Éric Berne, fondateur de l’Analyse transactionnelle, un signe de reconnaissance (SDR) est « un message envoyé à l’autre pour lui signifier qu’il existe à nos yeux et que nous savons qu’il est présent« . Tandis que le concept de feedback, beaucoup plus utilisé en entreprise et dans le champ du coaching, désigne un simple retour d’information de la part de l’autre. Les feedbacks et les signes de reconnaissance sont donc des retours que nous recevons des autres sur leur façon de percevoir le monde, les autres et eux-mêmes. Cette façon de percevoir le monde leur appartient totalement et il est possible que nous partagions (ou pas) cette façon de voir les choses.
Autant dire que dès que nous sommes en interaction avec autrui, il nous fournit du feedback et inversement. Tant mieux ! C’est une richesse que d’avoir des points de vue différents sur une même situation.
Toutefois, tous les feedbacks ne sont pas bons à prendre ou à donner, surtout lorsqu’il s’agit de critiques. Certaines peuvent être réellement destructrices pour celui qui les reçoit… et les garde pour lui comme étant le reflet de ce qu’il est vraiment.
Les différents types de feedback possibles dans le cadre d’une critique négative
Pour savoir comment gérer les critiques des autres, nous allons cette semaine nous intéresser plus particulièrement aux feedbacks « négatifs » et feedbacks « d’amélioration ». Dans mon prochain article je parlerai des différents types de feedbacks positifs qui existent et qui vous permettent d’améliorer la qualité de vos relations.
Les feedbacks conditionnels (= feedback d’amélioration) ou critiques utiles
Si vous recevez ce type de critique, vous allez facilement pouvoir les identifier parce qu’elles portent sur ce que vous avez fait, ce que vous avez dit ou sur la façon dont vous vous êtes comporté. En résumé les feedbacks conditionnels portent sur « le faire »… Ils regroupent tout ce qui est visible ou récupérable par les 5 sens de celui qui vous les adresse (ouïe, toucher, vue, goût, odorat) et font donc partie d’un contexte ou d’une situation particulière.
Exemple : « Là tantôt quand on discutait avec nos amis, tu m’as coupé la parole à plusieurs reprises » ou « Mmm ! Mon chéri, tes chaussettes trainent dans le salon alors que maman va arriver d’ici 10 minutes ».
L’avantage de ce type de feedback est qu’il peut être suivi par une demande ou d’une proposition de solution qui améliore encore la qualité de la communication en précisant à l’autre ce que l’on attend de lui.
Exemple : « j’aimerai que tu attendes que j’aie terminé de parler avant de dire ce que tu veux dire » ou « je voudrais que tu les ramasses et que la prochaine fois tu les mettes directement dans la buanderie au lieu de les laisser traîner dans le salon ».
Les feedbacks conditionnels sont des feedbacks « sains » que l’on peut aussi bien donner aux autres, qu’à soi-même. On peut également accepter d’en recevoir tant de la part des autres que de soi-même. Comme ils décrivent des faits, ils permettent à celui qui les reçoit de voir concrètement ce qu’il peut modifier pour s’adapter au contexte ou pour s’améliorer s’il le souhaite.
Être capable de donner et de recevoir ce type de feedback vous aidera à
– communiquer vos limites aux autres
– donner des informations sur ce qu’ils devraient modifier dans leur comportement
– savoir ce que vous pourriez améliorer dans votre façon de faire
– ajuster votre comportement dans un contexte particulier
Lorsque vous recevez ce genre de feedback plusieurs fois essayez de voir quelle est l’information de fond que l’on tente de vous faire passer. Ne vous limitez pas à un seul avis, mais essayez de diversifier au maximum les sources d’informations pour voir si elles se recoupent ou non.
Les feedbacks inconditionnels ou critiques toxiques
Les feedbacks inconditionnels eux sont beaucoup plus toxiques sous leur forme négative puisqu’ils touchent à l’identité de la personne à qui ils s’adressent. De manière générale, ils portent sur « l’ÊTRE ». Ils ont comme autre particularité de créer des généralités ou des concepts « flous » puisqu’ils ne sont peu ou pas contextualisés. Exemple : « tu n’es pas à la hauteur ! » ou « tu n’arriveras jamais à rien ».
Lorsqu’on se les donne à soi-même ça donne quelque chose comme ça : « mais quel c*** ! C’est pas possible d’être aussi c** ! ». Je vous laisse imaginer ce que ce genre d’auto-feedback peut avoir comme effet sur votre estime de vous moyen termes si vous vous adressez à vous comme ça quotidiennement.
Ici je vous donne des exemples de feedback verbaux, mais il peut aussi y avoir des feedbacks non verbaux.
Ils peuvent avoir autant d’impact que des feedbacks verbaux et ont en plus le désavantage de n’être accompagnés d’aucune explication qui permettrait de décoder avec clarté l’intention de la personne qui les donne. Cela laisse le champ libre à n’importe quel type d’interprétations … rarement constructives.
Alors, quand peut-on donner ce genre de feedback ?
JAMAIS !!! Ni à soi-même ni aux autres !!! Pour la simple et bonne raison qu’on ne peut rien faire de constructif avec ce type de feedback. Quand vous en recevez un, la seule chose que vous pouvez faire intérieurement, c’est ça !
Et vous dire au passage que vous n’êtes pas une bonne personne.
Voici un exemple de feedback inconditionnel négatif. Un patient me disait l’autre jour être hanté depuis des années par ce que l’un de ses professeurs lui avait dit lorsqu’il était en primaire « : tu n’es bon à rien et tu n’arriveras nulle par de toute façon puisque tu es nul en tout ». La seule chose à faire avec ce genre de phrase est de s’en débarrasser intérieurement et de repeupler votre monde intérieur du des choses qui vous construisent, pas avec des « ordures » mentales.
Et que faire si on reçoit une critique qui est un feedback inconditionnel négatif ?
- Prendre conscience qu’il s’agit de ce type de feedback
- Choisir de ne pas y croire et vous en débarrasser : il ne s’agit que du reflet de ce que l’autre pense et de son monde intérieur, pas forcément de la réalité elle-même. Si on vous disait demain : « je pense que tu as les yeux roses fluo et je trouve ça moche », vous y croiriez ? Vous seriez triste que l’on pense ça de vous ? Et bien il en va de même pour les autres feedbacks de ce type. N’en tenez pas compte s’ils ne sont pas bénéfiques pour vous.
- Demander de l’information supplémentaire à la personne qui vous l’adresse : afin de transformer le feedback inconditionnel reçu en feedback conditionnel négatif.
Exemple si on vous dit : » tu n’es pas assez créatif et on ne peut pas compter sur toi pour trouver des bonnes idées ! »
Vous pouvez répondre : « Qu’est-ce que tu veux dire par « pas assez créatif ? ». Tu peux préciser ? » ou « Tu peux me donner un exemple de moment où tu n’as pas pu « compter sur moi pour donner des bonnes idées ? » »
L’idée de cette technique est de reprendre des éléments précis du feedback que vous venez de recevoir et de demander des explications sur ces éléments pour obtenir plus de détails concrets. Rappelez-vous, vous ne pourrez travailler qu’avec du concret. Si l’autre ne peut pas vous en donner, vous pouvez lui expliquer que ce n’est pas assez précis pour que vous puissiez comprendre ce qu’il attend de vous.
L’avantage et l’inconvénient de cette façon de faire est que vous serez vite fixé sur l’intention de votre interlocuteur. S’il souhaite vous aider à progresser, il vous donnera des éléments d’information. S’il n’est pas dans une intention positive à votre égard, il tentera de rester évasif et de s’énerver en vous culpabilisant au passage pour se sortir de cette impasse la tête haute.
- Utiliser la technique de Brooks Gibbs : elle se base sur deux règles simples en cas d’attaques verbales (dans le cas d’attaque physique, défendez-vous et portez plainte si nécessaire !) :
o Ne montre pas que ce qu’il te dit te blesse
o Traite-le comme un ami
Quelques questions à se poser pour savoir comment gérer les critiques des autres
- Qu’est-ce qu’on vient de me donner comme genre de feedback ?Apprenez à repérer les différents types de feedbacks que l’on vous donne pour savoir quoi en faire. Est-ce qu’il s’agit d’un feedback conditionnel ou inconditionnel ? Si vous avez atterri ici sans avoir lu ce qui se trouve ci-dessus, vous perdez 3 points et devez passer 2 tours dans le fond du puits. En attendant votre tour, vous pouvez lire la partie » Quels sont les différents types de feedbacks qui existent ? »
- Est-ce que ce qu’on vient de me dire est utile pour moi ? Est-ce que je peux en faire quelque chose de constructif ou non ?
Faites du tri et ne gardez que ce qui est utile pour vous. S’il s’agit d’une critique dont vous ne pouvez rien faire et qui vous conduit juste au triste constat que vous n’êtes pas quelqu’un de bien, débarrassez-vous-en ! Attention à ne pas « jeter » des feedbacks utiles juste parce qu’ils sont durs à entendre et qu’ils vous dérangent. Le but est d’évoluer, pas de stagner en fermant les yeux sur ce qui dysfonctionne ou bien de vous démolir totalement sous le coup de la culpabilité.
- Qui vient de me le donner ? Qui est cette personne par rapport à moi et quel est le statut que je lui donne ?
Les critiques constructives doivent venir de personnes qui s’y connaissent. C’est-à-dire des experts du domaine, pas de n’importe qui. Trouvez la personne qui est expert dans le domaine qui vous préoccupe et allez lui demander du feedback. Croisez les informations en vous adressant à 3 experts minimum et faites une synthèse des informations reçues.
Challenge !
Cette semaine, je vous invite à faire l’exercice suivant :
Essayez de vous donner les permissions suivantes en veillant à prendre plus particulièrement soin des permissions que vous avez tendance à « oublier » le plus souvent ou à régulièrement moins investir. Devenez le temps d’une semaine le gardien de ces autorisations intérieures en veillant régulièrement à vérifier si elles sont respectées :
- J’ose donner les signes de reconnaissance que je souhaite donner.
Ex. « tu sais en fait je n’ai pas envie de sortir ce soir, je préfère me reposer et c’est compliqué pour moi quand tu insistes comme ça » - J’accepte les signes de reconnaissance qui m’aident à évoluer.
Ex. « tu devrais essayer de moins t’énerver lorsqu’on te fait une remarque. C’est difficile de communiquer avec toi quand tu cries et que tu t’emportes » - Je refuse les signes de reconnaissance dont je ne veux pas (ou qui ne me sont pas utiles).
Ex. « on ne peut pas te faire confiance. Tu ne peux pas t’empêcher de faire du mal aux autres de toute façon ! » - Je me débarrasse des signes de reconnaissance reçus qui m’encombrent depuis longtemps.
Ex. : tu es un bon à rien ! Tu n’arriveras jamais à rien dans la vie ! »
A vous de jouer maintenant que vous savez comment gérer les critiques des autres !
Laissez dans les commentaires les pires critiques que vous avez reçu et dites-nous de quel genre de feedback il s’agit à votre avis.
Si vous souhaitez en savoir davantage sur les signes de reconnaissance, je vous invite à lire cet ouvrage de référence : Ian Stewart, Vann Joines, Manuel d’Analyse transactionnelle, Inter Édition 2005
A très bientôt !
2 commentaires
Article très intéressant.
A chacun désormais d’apprendre, grâce à tes conseils, à ne pas laisser ces feedbacks dessiner sa propre version de la réalité. Ce qui est, pour beaucoup de monde, très difficile. Merci pour tous ces petits conseils qui en effet, si l’on prend le recul suffisant sur une situation donnée, permet de se rendre que ce ne sont que des feedbacks.
En tout cas, challenge accepted ! ^^
Merci beaucoup Jung ! Les feedbacks, même si ils ne sont pas toujours très digestes ne sont effectivement que le reflet de la réalité de l’autre. Bon challenge à toi !