Cadrer offre la liberté ? Ça ne va pas ensemble, tu dois rêver !
J’ai envie de vous parler aujourd’hui d’un sujet souvent abordé en consultations, mais aussi en entreprise. Il s’agit du cadre. Certains en ont peur, d’autres en abusent.
Le cadre est LE sujet délicat par excellence qui ne laisse personne indifférent. Pourtant, aussi étrange que cela puisse sembler, cadrer offre la liberté et encore bien d’autres choses s’il est bien posé.
Qu’est-ce qu’un cadre ?
Si l’on prend la métaphore du jeu de société. Le cadre est ce qui pourrait correspondre aux règles du jeu. Il comprend toutes les règles qui vont régir le fonctionnement de tous les acteurs dans un contexte particulier. En d’autres termes, il s’agit de la façon dont on fonctionne ensemble ou dont on souhaite fonctionner. Le cadre peut porter sur différentes sphères qui peuvent être présentes dans des contextes variés : couple, famille, milieu professionnel, loisirs …
Dès qu’il y a plusieurs êtres humains en interactions, il a à priori un cadre qui va avec.
Le cadre peut être implicite (les règles existent, mais n’ont pas été clairement énoncées) ou explicite (les règles ont été énoncées et discutées ensemble).
Les différentes sphères du cadre
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Les relations et les interactions
Regroupent les règles de savoir-vivre (savoir-être), de bonne conduite (comportements), de déontologie … qui permettent aux différents individus qui composent le groupe de fonctionner de manière harmonieuse dans ce groupe.
Exemple : Si je suis en couple, notre cadre de fonctionnement pourrait admettre que l’on passe la soirée avec quelqu’un d’autre que son conjoint pour prendre un verre. À condition que ce conjoint soit d’accord, informé à l’avance et que ça ne dure que le temps d’une soirée. Dans ce cadre, il pourrait au contraire être inacceptable de s’absenter plus longtemps qu’une soirée, que l’autre ne soit pas au courant de cette sortie ou que cela se fasse avec une personne pour laquelle l’autre ne valide pas la sortie (ce collègue tellement attirant et intelligent dont je lui parle régulièrement).
La plupart du temps, le contenu de cette sphère fait appel aux valeurs qui existent dans le groupe ou qui appartiennent aux différents intervenants et qui leurs sont communes. Exemple : « Dans notre famille, le respect est une valeur importante. Et tu sais que je ne veux pas que tu parles aux autres membres de la famille sur ce ton. Même si ta sœur t’a blessé, tu peux le lui dire les choses autrement ».
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Le sens et le résultat attendu
Cette partie porte aussi bien sur le sens du cadre qui est posé, les raisons qui font que le cadre existe (le pourquoi ?), que sur ce que l’on attend comme production, l’objectif que l’on se donne ou les résultats que l’on souhaite atteindre (le pour quoi ? En vue de quoi ?).
Exemple : « Tu vas aller dormir tôt ce soir parce que demain tu vas à l’école. Comme tu n’as pas pu te coucher tôt ces derniers jours, il faut que tu puisses récupérer aujourd’hui, sinon ça va être compliqué de te concentrer et tu risques d’être de mauvaise humeur en plus ».
Les enfants et les adolescents sont des spécialistes du test de cadre et en particulier du test du sens de celui-ci. C’est le fameux « pourquoi ? » des tout petits ou « c’est n’importe quoi ! » des moins petits.
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Les méthodes et processus de travail
Vont déterminer la façon dont on va travailler ensemble et dont on souhaite le faire. Ce cadre comprend les tâches de chacun, les outils utilisés, les techniques, la durée, le processus selon lequel cela va se faire, la façon dont les choses vont se dérouler, les rôles et responsabilités de chacun, les limites d’action de chacun, le contexte dans lequel le travail va être effectué …
Exemple : Je suis coach et la façon dont je pose le cadre avec mes clients consiste à leur expliquer dès la première rencontre, la façon dont je travaille, les limites de mon accompagnement, la façon dont on va procéder lors des différentes rencontres, ce qu’est un coaching et ce qu’il n’est pas, la durée et le prix d’une séance, ainsi que la façon dont la prise de rendez-vous va s’effectuer … Je leur laisse également une place pour poser des questions s’ils en ont.
Idéalement, le cadre devrait également prévoir ce qu’il se passe en cas de non-respect du cadre.
Différents contextes, différentes façons de poser le cadre
S’il s’agit d’un contexte privé (amical, familial, de couple …), le cadre est souvent quelque chose qui est co-créé. Une partie des règles sera teintée de la culture des intervenants (culture familiale, sociale, religieuse …). Exemple : « dans ma famille les femmes se sont toujours occupées des tâches logistiques et les hommes de faire rentrer l’argent ».
Tandis que l’autre partie des règles vont être discutées ensemble et ajustées en fonction des apports des intervenants. Exemple : OK ! Peut-être que dans ta famille ça se passait comme ça, mais moi aussi je travaille en tant que femme. Du coup, il n’y a pas de raisons que je fasse toutes les tâches ménagères toute seule. Comment fait-on ?
Dans un cadre professionnel, le cadre est souvent conçu de manière unilatérale (généralement par les fondateurs de l’entreprise, les partenaires ou les managers …) pour être ensuite présenté aux employés. Dans le cas d’une pratique libérale, le cadre est défini en partie par celui qui exerce la profession et en partie par l’organisme auquel il se rapporte (s’il en existe un) en matière d’éthique, de déontologie, de réglementations légales … Exemple : Ordre des médecins, commission des psychologues … pour être ensuite partagé avec ses clients.
Cadrer offre la liberté ?
Quels sont les bénéfices que vous pouvez espérer retirer du fait que vous posez un cadre ? Poser un cadre vous permet de :
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- Vous mettre au clair sur vos limites et de les repérer. Lesquelles sont-elles ? Pourquoi sont-elles importantes pour vous ? À quelles valeurs sont-elles liées ?
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- D’informer tous les intervenants concernés des règles qu’il convient de respecter, du sens de ces règles et du risque dans le cas du non-respect de celles-ci. Avec un cadre clairement établi et énoncé, personne ne pourra venir vous dire « ah mais, je ne savais pas … » ou « je n’avais pas compris ça comme ça … ». Surtout si vous avez personnellement pris le soin d’informer les intervenants de son contenu et de leur demander s’ils avaient des questions de compréhension à ce sujet.
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- Gagner en crédibilité, en cohérence et en respect. Il vous sera possible en cas de recadrage de vous référer à ce qui avait été clairement énoncé sous la forme : « il était convenu que … or je constate que … Je te demande donc de … ».
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- Avoir une ligne de conduite à laquelle vous référer pour prendre des décisions en cas de difficultés. Elle vous sera utile si vous souhaitez réfléchir aux mesures à prendre en cas de conflits, de démotivation, de prise de pouvoir, de réussite, d’échecs …
- Éviter les comportements explosifs dus au dépassement de vos limites. Au mieux vous vous connaissez, et au mieux les autres sont informés de votre « mode d’emploi » interne (ou de celui de l’entreprise dans laquelle vous travaillez) au plus simple ce sera pour tout le monde.
- Clarifier les choses pour établir une base de confiance. En tant qu’être humain, il est rassurant de connaître la façon dont les choses vont se dérouler, ce qu’il convient de faire et ce qu’il convient de ne pas faire pour que tout se passe bien, mais surtout de voir que dans les faits, ce qui a été annoncé va effectivement se dérouler de cette façon.
Définir un cadre n’empêchera donc pas les autres de tester ses limites ou de tenter de ne pas le respecter.
Par contre, cela vous permettra de savoir où se situent vos limites et ce que vous décidez de faire dans le cas de leur franchissement. Vous gagnerez en liberté parce que vous risquerez moins, si vous avez bien réfléchi à votre cadre, d’exploser parce qu’un dépassement de limite vous a fait sortir de vos gonds. Cette réflexion vous offre la possibilité de prendre du recul par rapport à une situation et de vous préparer au pire.
Tant mieux si le pire ne se produit pas, mais dans le cas contraire, vous y êtes préparé et vous savez comment agir.
Le cadre permet à chacun de savoir exactement à quoi il s’engage, ainsi que ce qui est prévu en cas de non-respect de celui-ci. Chacun peut ainsi choisir en toute connaissance de cause et en toute liberté s’il adhère ou non à ce cadre.
Exemple : Un parent à son enfant pourrait lui dire lors de la pose du cadre : « j’en ai marre de t’appeler à répétition pour manger et que tu restes collé à ton ordinateur. J’aimerai que lorsque je t’appelle, tu descendes tout de suite pour ne pas faire attendre tout le monde. Sache que maintenant, je t’appellerai deux fois maximum, ensuite je couperais le disjoncteur principal ».
Challenge !
Observez cette semaine les différentes sphères de votre vie et demandez-vous :
- Quelles sont les règles implicites (clairement énoncées) et explicites qui cadrent les différentes sphères de ma vie ? Exemple : Imaginons. Je m’aperçois qu’actuellement je prends beaucoup en charge les trajets des enfants vers l’école et que ça m’épuise parce que c’est en permanence la course le matin et le soir.
La règle implicite est que c’est moi qui m’occupe des trajets vers l’école le matin et le soir. Mon mari s’occupe des repas. Nous n’en avons pas vraiment discuté ensemble, car les choses se sont mises en place naturellement de cette manière.
- Avec lesquelles de ces règles suis-je en accord et avec lesquelles ne le suis-je pas ?
Exemple : Je suis d’accord avec le fait que nous nous répartissions les tâches logistiques. Par contre, elles ne me semblent pas assez équilibrées dans notre façon de fonctionner. C’est parfois difficile pour lui de cuisiner alors qu’il n’en a pas toujours envie. Et c’est aussi compliqué pour moi de faire tous ces trajets.
- Quelles règles ai-je envie de modifier et par quoi ai-je envie de remplacer les règles actuelles ?
Exemple : J’ai envie de modifier cette règle pour proposer une répartition plus équitable des choses. Une moitié de semaine, nous fonctionnons comme nous le faisons déjà, une autre moitié de semaine nous inversons les rôles.
A vous de jouer en fonction du contexte choisi !
Et en ce qui vous concerne ? Quels sont les cadres qui sont faciles à mettre en place et ceux qui vous posent des difficultés ? Laissez un commentaire pour le partager avec nous !
A très bientôt !
2 commentaires
Pour ma part, j’ai énormément de difficultés à me cadrer sur mon alimentation. Je suis un véritable épicurien de la bouffe !
J’ai des objectifs, je me suis mis en place des règles bien précises, je sais exactelebt ce vers quoi il faudrait que je tende, je connais les conséquences potentiellement néfastes de ma consommation sur ma santé, mais je n’arrive pas à respecter le cadre que j’ai mis en place. Du coup, il m’arrive régulièrement d’avoir des comportements « explosifs » dont tu parles…
Cependant, j’ai fait des progrès énormes ces dernières années. Il m’arrive encore de céder à la tentation (disons que c’est par période), mais c’est beaucoup moins pire qu’auparavant ^^ Donc il y a quand même des progrès 🙂 Peut-être que c’est juste un domaine où le processus prendra plus de temps…
Merci pour ton partage Jung ! Je comprends que ce ne soit pas facile. J’ai moi aussi un grand amour de la nourriture et du plaisir qu’elle offre. Je pense que ce dont tu parles tiens moins du cadre que de « prendre soin de son ombre ». Mon prochain article portera sur ce thème puisque tu abordes le sujet… et j’en profiterai pour donner quelques conseils pour apprivoiser son ombre. Serais-tu d’accord que je cite ton commentaire pour illustrer mes propos ?